Besoin d'amour ♪ [PW Billy Redfox]

"Mais c'est simple bordel. Tu peux bien imprimer ces instructions BASIQUES dans ton circuit, gamine" s'agaça le garde référent, humble homme à tout faire des forces de l'ordre d'Ishtar.

Kotoha, de son côté, continuait de le dévisager de son regard vide, en quête d'une quelconque inspiration soudaine. Parce qu'au final, elle avait beau s'y essayer, elle comprenait pas. Elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait là. Elle ne comprenait pas ce qu'il déblatérait. Et qu'est-ce que c'était que ce... tuyau qu'on lui avait donné ?

"Bon. On va faire plus simple encore. Vu que t'as pas l'air très vive. Tu vois l'axe-là ? Bah tu vas aller jusqu'au croisement puis faire demi tour et remonter jusqu'au bout de l'axe. Des aller-retours. Si y a quoique ce soit de suspect -attroupement, cris, violence etc.- tu m'appelles.
- D'accord monsieur !"

Il haussa un sourcil nullement convaincu, mais rapidement l'agacement pris part sur sa détermination ; elle était stupide et ces gens-là l'énervaient. Quinze putain de minutes qu'il essayait de lui expliquer comment patrouiller..! Bordel ! D'un côté, son intuition n'avait pas failli. Elle avait en effet acquiescé pour mettre fin à cet échange ennuyant et passer à autre chose de plus amusant. Kotoha s'appliqua donc à faire des aller-retours comme il avait dit, sous le regard inquisiteur de son référent.
Plusieurs minutes s'écoulèrent avant -qu'enfin !- il n'aille retourner à sa propre tâche. Par nécessité ou ennui. Elle était maintenant toute seule, sur cet axe bondé du secteur touristique d'Ishtar, à la lisière des complexes hospitaliers.

Elle était arrivée sur le Relais l'avant-veille, à bord du premier vaisseau depuis Kyoko où elle avait passé un entretien au centre de réhabilitation. Un pôle à l'emploi pour Androïdes. C'est que depuis... depuis Papa, elle ne savait plus vraiment qui servir, que faire. Elle se sentait... vide. En manque de compagnie. Mais tout désespoir qu'elle eut éprouvé, jamais la petite Kotoha n'aurait pensé qu'elle terminerait d...
Hum ?
Son ouïe avait implacablement remarqué la présence d'un Démétien dans les environs, quelque part par là dans la foule. Ils avaient une mélodie très particulière, que son système auditif complexe n'eut de mal à identifier. Kotoha afficha un grand sourire et emboîta le pas de cet inconnu sans plus songer à son devoir d'androïde. Et sans non plus songer que la matraque qu'on lui avait confiée ou encore son uniforme pourraient lui attirer des ennuis.

Un axe suivit un autre, et encore un autre, jusqu'à ce qu'elle se perde dans quelque coin encore non visité depuis sa venue ; mais elle n'avait pas peur. Il y avait toujours cette fragrance propre des produits de nettoyage, ce son bourdonnant d'une foule non loin, l'absence d'animaux...
Puis une odeur plus forte vint la gêner. Quelque chose d'âcre et piquant à la fois, comme de la fumée de feu. Du tabac ? Une cigarette ? Qui oserait fumer sur Ishtar ? Un homme. Qui marchait bizarrement. Comme s'il traînait un peu la patte. Un vieux ?

Elle laissa tomber le Démétien pour pister cette personne qui lui rappelait un peu Papa... Étrangement. Peut-être qu'elle pourrait devenir amie avec cette personne.

Billy Redfox était arrivé au Relais Ishtar quelques heures plus tôt. Le voyage depuis Ryoko avait été assez rapide. Que venait-il faire dans ce grand complexe hospitalier ? Il n'était pas blessé, ses implants robotiques n'étaient pas défectueux, et la cigarette ne l'avait pas encore tué. En réalité, il venait pour deux choses.

Tout d'abord, il comptait rendre visite à ses hommes, Stephen, Klay, et Andrew. Ces trois « passeurs », le nom attribués aux dealers de bas étage, avaient fait les frais d'un duo de junkies particulièrement agressifs, et leurs blessures n'avaient pas pu être traitées efficacement au QG de la Ligue des Dragons, l'organisation menée par Billy. Ce dernier, après avoir personnellement réglé leur compte aux deux camés (non sans l'aide d'un bien étrange androïde), venait désormais s'enquérir du rétablissement de ses alliés.

Ensuite, il se rendrait à un rendez-vous, secret bien sûr, avec un potentiel partenaire commercial. Le relais Ishtar, en sa qualité de hub hospitalier, était équipé en ressources médicales de toutes sortes. Matériel de chirurgie, draps, mais surtout, médicaments. La morphine, ou le produit qui s'y apparentait, ferait probablement fureur un peu partout dans la Cité Spatiale de Ryoko. Mais il fallait voir combien le contact de Billy demanderait. Il prenait un risque, lui aussi, en faisant affaire avec des criminels. Mais le jeu pourrait en valoir la chandelle.

En attendant, le Boss des Dragons s'avançait vers l'immense complexe d'Ishtar. Face à tant de propreté, presque de luxe, car les locaux étaient flambant neuf, il ne pouvait s'empêcher d'avoir un petit accès de rage, qu'il contrôlait en serrant les dents. Pour lui, le gamin de la zone 10, qui n'a connu que la misère et qui a du se battre pour survivre tous les jours, il est toujours étrange de visiter de tels endroits. Toutefois, il se félicitait d'avoir pu transférer ses alliés ici, plutôt que de prendre le risque de les voir tomber bêtement, victimes du manque de moyens médicaux de la Ligue.

Pour calmer cette boule qui grossissait dans son estomac, Billy s'alluma une cigarette, et ralentit l'allure pour en profiter.

Quelque chose lui intimait, contrairement à d'habitude, de ne pas aller tout de suite à sa rencontre. Et bien que l'envie ne soit pas moindre, Kotoha obéit pour une fois à cet étrange instinct... pour peu qu'un androïde puisse en avoir -mais dans le cas de Kotoha, cela ne serait pas tant surprenant.
Alors elle avait ralenti le pas et suivait le fil de ces odeurs à une certaine distance. Quelques mètres. Juste assez pour ne pas se faire repérer. Toutefois elle se savait désavantagée dans cette entreprise puisqu'elle ignorait beaucoup du domaine du visible. Si elle savait cacher ses bruits, et dissimuler son odeur, comment se savoir invisible, hein ? Il lui suffisait de se retourner. Et de regarder.
Elle espéra qu'il ne le fasse pas.

Afin de paraître plus discrète, elle abandonna en cours de chemin son arme de fonction quelque part sur un banc. De toute façon elle avait encore ses armes personnelles. Pas besoin de ce gourdin.

Les minutes se muèrent en heures et bientôt le silence s'en viendrait lorsque chacun retournerait chez lui pour déjeuner. L'odeur de cigarette, elle, persistait. Kotoha ignorait jusqu'à quand elle le suivrait ; peut-être attendait-elle un quelconque événement qui lui aurait fait changer d'avis ?
Elle ne risquait rien de toute façon.
Alors elle continuait de le suivre.
Les grands axes hospitaliers firent doucement place aux voies plus étroites des centres économiques du relais. Son référent lui avait dit d'éviter ces coins. Mais rien n'est dangereux sur Ishtar ! C'est le relais le mieux surveillé, où les forces de l'ordre étaient le plus efficaces...

Soudain, une nouvelle odeur tira Kotoha de ses pensées. C'était celle du Démétien de tantôt, assurément résident du relais, tellement ce relent de détergent lui collait aux basques. Et... il venait vers Cigarette.

La journée s'était déroulée sans encombres. Tout d'abord, Billy avait rendu visite à Stephen, Klay et Andrew. Tous se remettaient bien de leurs blessures, et devraient être libérés dans le courant de la semaine. Le Boss des Dragons les informa qu'ils ne retourneraient pas tout de suite sur le terrain. Il leur laisserait le temps de bien récupérer. En attendant, il s'agirait de trouver des arrangements avec la clientèle habituelle. Peut-être que Ian et Shaun pourraient étendre leurs zones d'activités le temps que leurs collègues reviennent ? Ce serait à étudier.

Au final, il avait passé quasiment une heure avec chacun de ses hommes. Il appréciait d'apprendre à les connaître un peu mieux. Et puis, c'était bon pour le business. Le moral de ce trio de passeurs ne pouvait qu'aller mieux, sachant que le Boss lui-même leur avait rendu visite. Ils seront sans doute plus efficaces à leur retour. Pour Billy, cela lui assurait également de nouveaux soutiens. Son ascension jusqu'en haut de l'échelle ne s'était pas vraiment fait en douceur, et certains au sein de la Ligue voyaient toujours d'un mauvais œil la présence du Redfox au poste de Boss. Bien sûr, ceux-là étaient surveillés en interne, mais ils pouvaient aussi monter un coup en traître. Pouvoir compter sur un maximum de monde en cas de trahison n'était pas du luxe. Et si jamais les blessés se ralliaient aux mécontents, Billy avait moyen de faire pression. Stephen avait une femme et deux filles, Klay était également marié. Quand à Andrew, il dépensait les deux tiers de ses revenus pour sa mère. Des informations à double tranchant, à n'en pas douter.

Lorsqu'il ressorti de l'hôpital, Billy ne put s'empêcher d'allumer, quasiment coup sur coup, deux cigarettes. Pour des raisons évidentes, il était interdit de fumer dans l'enceinte de l'hôpital, et il fallait l'avouer, le Redfox était en manque. Désormais, il devait retrouver son contact pour négocier un acheminement mensuel de marchandises du relais, que la Ligue se chargerait de distribuer à Ryoko.

Il quitta les sentiers battus momentanément. Bien sûr, tout était toujours très propre et très bien entretenu, mais ce qui s'apprêtait à être discuté ne devait pas tomber dans les mauvaises oreilles. Billy était prudent, et jetait de temps à autres des coups d'œils à la dérobée, par dessus son épaule. Rien.

Une demi-heure plus tard, alors que le grand axe économique du relais se vidait peu à peu, il apercevait le Démétiens avec qui il avait rendez-vous. Pile à l'heure. Constata Billy avec satisfaction. Il espérait rentrer à Ryoko le soir même. Il s'approcha. Il n'y avait pas de mot code, seulement des vérifications d'usage à faire.

Vous n'avez pas été suivi ?

Non.

Pas de dispositifs d'écoute ou de caméras à proximité ?

Le plus proche est à cinquante mètres. Et nous sommes dans un angle mort.

Bien. Je suis Billy Redfox.

Appelez-moi Doc Green.

Les mots volaient rapidement. Par mesure de précaution, les deux hommes se couvraient la bouche pour parler. Billy appréciait le professionnalisme de son interlocuteur. Il espérait pouvoir négocier un bon accord. Soudainement, le visage de Green se ferma. Il souffla entre ses dents.

On est surveillés. Derrière vous, vingt-cinq mètres environ. Elle est minuscule.

Billy tourna la tête le plus discrètement et le plus naturellement possible. Si les forces de l'ordre était déjà sur ses talons, c'était mauvais. Il n'avait aucune envie de faire d'éclats sanglants aujourd'hui. Mais en cas de nécessité, il retira la sangle qui maintenait son pistolet dans sa ceinture. Il était à portée de main.

En effet, il y avait bien là une représentante des forces de l'ordre. Son uniforme la trahissait. Mais elle ne semblait pas armée. Pour l'heure, Billy choisit de demeurer dans une sorte de status quo. Il préférait laisser les choses venir à lui, plutôt que de prendre une décision hâtive…

Elle pouvait se fier à ses sens, cela était une chose certaine. Même lorsqu'il était entré dans cet hôpital, elle avait pu le retrouver sans peine à sa sortie, avec cette odeur qui lui collait tant à la peau. Cependant, cette fois, malgré tous ses efforts, elle peinait à comprendre ce que les deux hommes racontaient. Quelque chose semblait gêner l'écoute, comme un voile épais. Mais pas une salle. Elle s'en serait rendue compte.

Plusieurs minutes s'écoulèrent pendant qu'elle restait là, dans un coin calme, à se demander si elle devrait se rapprocher ou non ; car certes elle était patiente, mais également très curieuse. Et cet homme sentait comme Papa.
Kotoha tâtonna autour d'elle, pour déterminer grossièrement la construction des lieux. L’androïde se trouvait dans un croisement, ou plutôt juste avant que l'axe ne devienne vraiment étroit. Elle se souvenait également d'être passée devant un petit poste de surveillance, puis plusieurs centres hospitaliers... ce ne serait donc guère surprenant que l'axe où se trouvait Cigarette soit l'arrière d'un de ces bâtiments.

Huuuuuum ?

Ils venaient d'arrêter leur conversation. Et elle entendit une boucle se défaire. Une arme ? Une bombe lacrymogène ? Une bouteille d'eau ? Elle fit un pas, se plaçant au centre du croisement des axes.

"Dites donc, vous devriez pas être aussi méfiants envers une enfant ! C'est méchant."

Elle marqua un arrêt. Pencha la tête, les dévisageant de ses orbites noires tout en arborant une mine songeuse.

"A moins que... vous ne fassiez quelque chose de pas bien ? (sa tête se pencha de l'autre côté) Ou alors vous avez peur de moi ?"

Kotoha s'avança vers eux, afin d'arriver à portée de murmures...

La voix fluette de la policière apostropha Billy et Green. Plus besoin de se faire discret, le Redfox se tourna complètement vers elle. Pour une policière, elle était bien étrange. Un mètre de haut, à tout casser. Un visage enfantin, des pétales blancs autour du visage, deux grands yeux noirs, sans iris ni pupille. Elle semblait à la fois humaine et démétienne. Mais il y avait encore autre chose, et le Boss n'aurait su dire quoi.

Une seconde injonction de la jeune femme lui fit lever un sourcil. Le timbre faisait monter en lui plusieurs sentiments. D'un côté, il sentait bien que quelque choses clochait, qu'un détail lui échappait, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Mais d'un autre côté, la petite voix transpirait l'innocence et la naïveté. Peut-être serait-il possible de s'en sortir en baratinant grossièrement quelque chose ? Après tout, il n'avait commis aucun délit. Il n'y avait aucune preuve écrite que son rendez-vous avec Doc Green avait un but commercial illégal. Alors Billy, sans refaire la boucle qui bloquait son arme, décida de faire un pas en avant, et de s'armer d'un sourire.

Bonsoir à vous madame l'agent. Est-ce cette veste en cuir qui vous amène à croire que nous nous adonnions à une activité illicite ? Si c'est le cas, aussi dommage et réducteur que ce soit, je n'en prends pas outrage, les gens font souvent cette erreur. Je ne faisais que discuter de la pluie et du beau temps avec mon ami.

Le Boss des Dragons n'était pas un grand menteur. Certains de ses alliés le surpassait très largement lorsqu'il fallait user de ses talents d'orateur pour se sortir de situations compromises. Mais là, il s'agissait d'un cas assez aisé, et tenter de retourner la culpabilité en direction de la policière était un parti prit intéressant. Encore fallait-il l'enrober un petit peu, histoire de laisser croire à cette petite qu'elle avait le contrôle.

De plus, j'ajouterais que tout représentant des forces de l'ordre de ce beau relais se doit d'être à la fois craint et respecté. Cela fait partie des responsabilités liées à l'uniforme que vous revêtez, avec un certain style, je dois l'avouer.

Un peu de flatterie, ça ne faisait jamais de mal, surtout auprès de la gente féminine. Toutefois, avant que sa couverture ne soit grillée, Billy passa une main dans son dos, et signifia à Doc Green qu'il allait devoir le suivre dans son invention, pour leur bien à tout les deux.

Kotoha s'empressait de garder en mémoire chaque parole qui lui fournissait autant de renseignements visuels ; souvent cet exercice lui permettait de dresser un tableau plus détaillé... Après tout, l'inflexion de la voix trahissait beaucoup des intentions. Et dans le cas de cet homme qu'elle présuma être Cigarette, son phrasé était un brin trop soigné pour une personne à l'odeur si propre des bas-fonds des secteurs. Car s'étant approchée, elle pouvait mieux le sentir....

"Cela fait partie des responsabilités liées à l'uniforme que vous revêtez, avec un certain style, je dois l'avouer."

L’androïde esquissa un sourire. Un compliment faisait toujours plaisir, même s'il était calculé ! Puis... Dans le domaine, sans doute avait-elle plus d'expérience que lui ; flatter était un point incontournable pour draguer. Elle n'était pas la plus fine des stratèges, mais dans le jeu des faux-semblants, elle n'était pas une bleusaille.

"C'est gentil ! Moi, c'est Kotoha. Et vous ?"

Et elle restait là, toujours le même sourire sur le visage. Ils l'avaient abordée. Elle pouvait bien prendre cela pour une invitation non ?

Bon. Jusqu'ici les choses évoluaient assez bien. La policière ne semblait pas agressive, et le compliment l'avait touchée. C'était de bonne augure pour la suite.

C'est gentil ! Moi, c'est Kotoha. Et vous ?

Billy hésita. Devait-il donner son nom, où poursuivre son mensonge et s'inventer une identité. Ce n'était peut-être pas la peine d'aller aussi loin, surtout s'il venait à être percé à jour. Mais d'un autre côté, il ne voulait pas prendre le risque d'être conduit à un poste et d'être interrogé pendant des heures.

Enchanté Kotoha. Je suis Max Redfox.

Un compromis. En affaires, c'était souvent le meilleur moyen de régler un différent d'apparence insoluble. Cela faisait bien trente ans que Billy n'avait pas usurpé l'identité de son frère. Plus jeunes, ils se ressemblaient tellement qu'ils pouvaient aisément échanger leurs prénoms pour se tirer des ennuis. Le rouquin espérait que cela suffirait cette fois encore, et que le talent de feu son grand frère pour brouiller les pistes l'accompagnerait dans toute cette affaire.

Pour l'heure, sa stratégie était simple : continuer à éloigner le plus possible la conversation de lui. Il était face à une femme, rien de tel que de la pousser à parler d'elle. Pour se donner une contenance, Billy s'alluma une cigarette, et demanda :

Dites-moi Kotoha… vous me semblez si jeunes, si resplendissante... toujours plus de flatterie, il n'y en a jamais trop Le travail ici n'est pas trop éreintant ?

Pour l'heure, le Boss des Dragons n'excellait pas. S'il poussait Kotoha à parler de son métier, elle pouvait aisément en revenir à lui. Cependant, un mouvement suspect attira le regard du Redfox. Sur sa gauche, à une dizaine de mètres, un bruit métallique était perceptible. La nuit commençait à tomber, et il restait encore un peu de monde sur cet axe, tant et si bien que Billy ne pouvait être sûr de ce qu'il voyait. Mais il était certain qu'une paire d'yeux le fixait, depuis une plaque d'égout.

Immédiatement, il posa la main sur son arme, sans dégainer, et se détourna de la jeune policière en marmonnant à voix basse :

Vous voyez ça, là-bas ?

La paire d'yeux était toujours là, immobile. Sans hésiter, Billy s'avança dans sa direction. Cet événement imprévisible représentait la parfaite distraction.

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'Rencontre ville' :

Kotoha penchait la tête de droite à gauche, pendant que Max s'étendait en flatterie. Cela devenait un peu lourd. Il fallait savoir faire preuve de subtilité, et vraiment, cette mascarade était que trop grossière. Mais tout le monde n'était pas expérimenté dans le domaine de la séduction, aussi l’androïde pardonna-t-elle ces erreurs.

"Le travail ici n'est pas trop éreintant ?
- Non non, ça va. C'est toujours amusant de faire de nouvelles rencontres, de venir parler aux inconnus et apprendre à mieux les connaitre..."

Kotoha s'arrêta soudainement de parler. Il y avait un nouveau bruit. Quelque chose qui venait déranger son paysage sonore, mais de façon bien désagréable. Elle tournait la tête comme une antenne à la recherche d'une meilleure perception. Elle entendait... des raclements sourds, des cliquetis métalliques. Mais ce qui était étrange, c'est qu'elle ne percevait rien d'anormal sur le plan olfactif.
Une plaque d'égout.
Des pas. Dans sa direction.

Kotoha ne bougeait pas, silencieuse mais toujours souriante alors que Max venait vers elle. Sans doute était-il armé. Elle sentait une presque imperceptible odeur de poudre non brûlée. Il était armé. Mais... pour autant il ne lui semblait pas tant hostile que méfiant envers cette plaque d'égout.
Soudain l’androïde réalisa. Une nouvelle odeur avait accompagné le bruit métallique : un mélange de putréfaction et...

Elle se tourna vers la plaque d'égout. Elle était toute joyeuse. C'était la première fois qu'elle rencontrait un androïde de maintenance des égouts ! Mais peut-être devait-elle laisser Max lui souhaiter le bonsoir en premier ?

Sans prendre en compte les dernières paroles de Kotoha, Billy s'était détourné, et s'avançait vers cette paire d'yeux, fixe, qui le scrutait intensément. Il se mouvait doucement, prudemment. Quoi que ce soit, il ne voulait surtout pas l'affoler et le faire fuir. La main fermement posée sur la crosse de son revolver, il réduisait progressivement la distance avec le voyeur.

C'était une paire d'yeux robotique, aucun doute. Deux sphères jaunes, lumineuse. Un modèle souterrain. Un robot-mineur ? Éboueur ? Aucune importance, ce n'était pas normal qu'il quitte son lieu de travail pour observer les passants. Derrière lui, Doc Green suivait, d'un pas hésitant. Lui ne paraissait pas armé.

Parvenu à hauteur de la plaque d'égout, le Redfox mit un genou à terre, pour observer la machine dans les yeux. C'était un robot tout à fait normal, en bon état.

C'est étrange tout de même, pourquoi n'a-t-il aucune réaction à ma présence ?

Curieux, Billy passa sa main humaine devant les capteurs oculaires de la machine. Rien ne se produisit. Aucune formule de courtoisie, aucun bip, rien. Simplement le silence. Le Boss des Dragons posa une main sur le haut de l'androïde.

Et bien, tu ne peux pas par… OH !

En l'espace d'une seconde, une main puissante s'était refermée sur le poignet droit de Billy. Dans le même temps, Doc Green venait de s'emparer de son arme et de lui donner un grand coup de pied dans le dos. Surpris et prit entre deux feux, Billy bascula dans le trou.

Il atterrit durement sur le sol dur, humide et froid des égouts. Devant lui, la carcasse d'une moitié de robot nettoyeur traînait piteusement. Ses yeux s'habituèrent vite à l'obscurité. Un homme, enfin, un Démétien lui faisait face, bras croisés. Il se redressa, prêt à lui faire payer son insolence à grands coups de poing dans les dents, mais le canon de son propre pistolet vint se planter à l'arrière de son crâne.

Bouge un seul sourcil et t'es mort, Billy. Aboya Doc Green.

Instinctivement, le rouquin leva les mains bien en évidence, de chaque côté de sa tête. La situation était mauvaise…

Kotoha s'était contentée d'entendre Max chuter dans les égouts ; d'une certaine façon cela aurait difficile de réagir. Le Démétien l'avait projetée d'un puissant revers de bras, alors qu'il passait devant elle pour s'attaquer à Max. Avec son poids plume, Kotoha voltigea à plusieurs mètres. Sa tête cogna le mur. Et elle ne perçut plus rien pendant quelques secondes...
Silence.

"Bouge un seul sourcil et t'es mort, Billy"

L'injonction avait résonné dans sa tête, plusieurs fois, avant de faire écho avec une première pensée. Le Démétien allait faire du mal à... Billy ? Etait-ce l’androïde de toute à l'heure ? Il fallait qu'elle aille l'aider, elle était dans les forces de l'ordre ! Si y a quoique ce soit de suspect -attroupement, cris, violence etc.- tu m'appelles.
Elle secoua la tête. Kotoha n'avait aucune idée d'où venait cet... ordre, mais elle décida de l'ignorer ; appeler de l'aide prendrait trop de temps et le Méchant pourrait tuer Billy à cause de la peur. Mais il l'avait vue. Il l'avait frappée. Donc il ne devrait pas la craindre. Sans doute.

Elle s'était entre temps relevée tant bien que mal. Aucun dommage ne serait visible : son revêtement avait su amortir le choc et diminuer les dégâts externes ; par contre, elle sentait que certains de ses composants avaient été endommagés...
Vite. Vite.
Maintenant près de la sortie d'égout, Kotoha fit semblant d'inspirer, profondément. Et elle se glissa dans le trou sans un bruit, tirant avec elle (non sans difficultés) la bouche de l'égout. L’androïde rejoignit les deux humanoïdes, partageant son univers aveugle : le noir avait envahi les souterrains.

Les joueurs débutent le combat.

Total Soma restant du groupe : 55

Joueurs :

Billy : 105
Dégâts : 35
Soma : 40

Kotoha : 125
Dégâts : 30
Soma : 15

Ennemis :

Agressivité du groupe : 40

Voleur A : 145
Dégâts : 35
Agressivité : 20

Voleur B : 145
Dégâts : 35
Agressivité : 20

Les mains en l'air, Billy s'évertuait à réfléchir aussi vite que possible. Il était clair que la situation n'était pas à son avantage. Il fixait le second Démétien, tandis que derrière lui, Doc Green continuait de le tenir en joue. À l'heure actuelle, le Redfox n'avait aucune idée de ce qui allait advenir. Il lui fallait gagner un peu de temps.

J'ai le droit à une explication avant de mourir ? Demanda-il calmement.

Dans ce genre de situation, il ne fallait surtout pas montrer qu'on avait peur. Le Boss des Dragons n'était pas à son coup d'essai en la matière. Il avait plus de vingt ans de criminalité derrière lui. Il avait déjà pointé son canon sur la nuque d'autrui, et il avait déjà été de l'autre côté du miroir.

Tu ne t'es douté de rien, hein ? Commença un Doc visiblement en confiance. Tout ce qui t'intéresse, c'est l'argent. Alors, comme le scélérat de businessman que tu es, lorsque tu as décelé une possibilité, il fallait que tu t'engouffre dedans ! Récupérer des stocks de morphine pour les distribuer illégalement ! Mais bien sûr ! As-tu seulement une pensée pour les souffrants ? Une pensée pour les consommateurs mineurs qui vont sombrer dans la dépendance ? Noooon ! Toi, tant que tu récupères tes crédits, tu te fiches de tout !

Billy demeura silencieux. Une remarque sarcastique signait son arrêt de mort. Alors il attendait que le Démétien ai fini de balancer son petit discours idéaliste, visiblement préparé depuis des semaines, pour reprendre la parole.

Et donc ton plan, c'était de me faire venir dans un faux rendez-vous, plutôt que de simplement refuser de me vendre la came ? Tu te fais chier pour rien, je trouve…

Le Démétien qui lui faisait face lui colla une droite. Il l'avait cherché, certes, mais bon, il n'avait aucun regret. Il n'avait pas pu s'en empêcher. Dans son dos, Green émit un petit rire sarcastique.

Comment aurais-je pu te débusquer autrement ?

J'aurais pu envoyer quelqu'un à ma place.

Il aurait subit le même sort.

J'aurais envoyé plusieurs gars le venger.

Bien sûr, c'est ça ! Comme si la mort d'un larbin te faisais quelque chose.

Figure toi que oui. Pas plus tard qu'il y a une heure, j'étais justement avec trois d'entre eux, qui sont admis à Ishtar pour de graves blessures.

Foutaises ! Je suis sûr que tu as volé des calmants et des seringues pour ton petit business !

Billy soupira. Doc n'entendrait pas raison. Soudain, la petite silhouette de Kotoha passa dans la seule source de lumière disponible, celle venant de l'extérieur. La petite policière s'invitait à cette petite mise à mort. Mais surtout, elle emportait avec elle la seule source de lumière disponible. Dans le noir complet, le Redfox saisit immédiatement sa chance. Pivotant sur lui-même, il récupéra son pistolet et tira une salve de six coups, à l'aveugle.

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'Attaque' :

Kotoha hurla.
Non pas qu'elle ait pu sentir la douleur de la balle perdue de Max, mais les coups feu avaient déclenché une véritable déflagration sonore, amplifiée par le confinement des lieux. L'écho mortel se réverbérait encore... et encore...
L’androïde s'accroupit, les bras et les pétales autour de son corps tremblant. Impossible pour elle se se boucher les oreilles. Elle percevait avec ses pétales. L'explosion ne cessait de résonner en elle. Ses composants vibraient.

"Odeurs. Odeurs. Odeurs. Odeurs. Odeurs."

Ne tenir compte que des odeurs. Oublier le son. Les odeurs. Un paysage plein d'odeurs. Les cris de celui qui mourrait transpercé par les balles... Les odeurs. Le flot du sang qui s'écoulait. L'odeur du sang. Celui, puissant, des égouts. La poudre brûlée. Le métal chaud. La chair carbonisée. Le tabac froid.
Elle aurait voulu pleurer. Rester dans un coin silencieux et ne pas bouger, comme un de ces animaux domestiques que les humains s'amusaient à agacer. Mais si elle ne faisait rien, le son reviendrait. Il reviendrait.
Il fallait arrêter les tirs. Vite. Elle chassa le son, elle l'oublia. Avança vers l'odeur qui n'était pas celle de Papa... Ou peut-être fallait-il arrêter Papa ? C'était lui qui lui avait fait mal après tout. Non. S'ils n'étaient plus que tous les deux, il arrêterait et la féliciterait ; elle aura été une bonne fille. N'est-ce pas ?

Kotoha surgit ainsi dans le dos de sa cible : elle eut le temps lui sauter à la gorge avant d'être repoussée violemment. Une fois encore. Elle percuta alors un corps... L'odeur forte de tabac l'enveloppa.

"Papa ?"

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'Attaque' :

Les joueurs débutent le combat.

Total Soma restant du groupe : 55

Joueurs :

Billy : 105
Dégâts : 35
Soma : 40

Kotoha : 95
Dégâts : 30
Soma : 15

Ennemis :

Agressivité du groupe : 40

Voleur A : 0
Dégâts : 35
Agressivité : 20

Voleur B : 85
Dégâts : 35
Agressivité : 20

Doc Greene n'était plus. Le bruit sourd d'un corps sans vie heurtant le sol froid des égouts ne trompait pas. Quand à l'autre Démétien, il ne semblait pas équipé d'arme à feu, sinon il aurait tiré par salve, au hasard étant donné la pénombre qui faisait loi en ces lieux. Le cri de l'agent de sécurité résonna tout autour de lui. Billy s'avança en tâtonnant : était-elle blessée ? Morte ? Il n'avait aucun moyen de le savoir. Ses doigts métalliques autour de la crosse de son arme le rassurait. Il n'aimait pas ne pas être en contrôle.

Quelques mètres devant lui, des bruits d'affrontements. Autant que possible, le Redfox pressa le pas, mais il demeurait très prudent. Aussi vite qu'ils étaient arrivés, les bruits cessèrent, et le Boss des Dragons se retrouva au sol, un corps qu'il identifia comme celui de l'agent sur les bras. Elle n'était pas morte, il le sentait bien mais... ce n'était pas de la peau qu'il avait sur les doigts. Ni même une enveloppe extra-terrestre. Non, pas de doute, il s'agissait bel et bien d'un habillage d'androïde. Comment ne s'en était-il pas rendu compte plus tôt ?

Papa ?

Billy fut décontenancé par ces mots. Le robot avait du subir des dommages dans ses systèmes, il ne voyait que ça. Mais surtout, il savait qu'il lui restait un ennemi, et six balles dans le chargeur. C'était plus que suffisant. Énervé par l'idée d'avoir été trompé, l'œil artificiel du Redfox vira au rouge sang. Il alluma son briquet, faible source de lumière qui rayonnait ici comme un phare. S'avançant sans plus prendre en compte le facteur de la discrétion, il perçut le corps du second Démétien et n'hésita pas.

PAN ! PAN ! PAN ! PAN ! PAN ! PAN !

Il avait vidé son chargeur dans le feu de l'action. Mais le combat était terminé. Dans le Relais Ishtar aujourd'hui, deux Démétiens avaient perdu la vie. Ce sera sûrement aux infos du soir... Mais Billy n'en avait cure. S’accroupissant au chevet du cadavre, il murmura :

Voilà ce qu'il en coûte de s'en prendre à Billy Redfox.

Puis, se détournant vers l'androïde-agent de sécurité, il demanda d'un ton calme et froid :

Tu comptes m'arrêter pour meurtre ? Ou tu es d'accord pour dire que c'était de la légitime défense ?

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'Attaque' :

Victoire des joueurs.

Vous gagnez 37 TANK Exp et 32 crédits.

Le RP peut continuer.

Kotoha s'était repliée dans un coin, le plus loin de toutes ces explosions, le plus loin de ces odeurs de sang et de sueur et de poudre. Papa ne lui avait pas répondu. Il l'avait laissée de côté pour aller... pour aller tuer le Démétien encore vivant alors. Elle n'était pas capable de se battre : il ne lui restait donc qu'à survivre et diminuer les dommages sur ses propres fonctions vitales. Et maintenant que le silence était revenu, ils n'étaient plus que deux.

"Tu comptes m'arrêter pour meurtre ?"

Sa voix avait perdu ses accents chaleureux pour ressembler désagréablement à ceux de ces inconnus qu'elle avait dérangés. Elle se recroquevilla un peu plus dans son coin. Toutes ses données se bousculaient pour essayer de trouver une solution ; mais elle avait commis une erreur de jugement. Elle aurait dû l'arrêter dès leur première rencontre.

"...tu es d'accord pour dire que c'était de la légitime défense ?"

Kotoha réinitialisa ses calculs. Elle finit par se relever. Et elle tourna son regard vide vers ce Billy.

"La légitime défense et le meurtre ne sont pas antinomiques. Vous auriez pu l'épargner."

Ce disant, elle avançait d'un pas mécanique vers l'humain.

"Je rapporterai les faits tels quels, sans prise de position. Maintenant, veuillez me suivre calmement au commissariat."

Elle ne jugea pas nécessaire d'avancer plus d'arguments et regagna calmement la bouche d’égout. Une fois au dehors, elle aurait tout le temps de contacter ses collègues -avec la technologie actuelle, communiquer se faisait bien rapidement entre androïdes. Ils iraient au commissariat... Et la suite ne la concernerait plus.

Le corps du second Démétien, criblé de balles, s'effondra à son tour. Voilà qui était donc réglé. Billy avait lavé l'affront qui lui avait été fait. Se redressant, il décida de s'allumer une cigarette. En fouillant le cadavre, il découvrit une lampe de poche. Pourquoi ne s'en était-il pas servi ? Sans doute pour ne pas dévoiler sa position, sachant qu'il n'avait pas d'arme à feu. Il l'avait sans doute utilisé pour se repérer dans la pénombre des égouts. Quoi qu'il en fut, Billy récupéra l'objet, qui de toute manière ne serait plus utile au mort, avant de l'allumer. Il braqua le faisceau sur l'agent de sécurité.

La légitime défense et le meurtre ne sont pas antinomiques. Vous auriez pu l'épargner.

Le Redfox se renfrogna. Il était vrai que le second Démétien était désarmé, et vraisemblablement pas en état d'attenter à la vie du Boss des Dragons. Tout en tirant sur sa cigarette, ce dernier répondit calmement, quoi que sur un ton un peu froid.

De ton point de vue, sûrement. Du mien, non. Tu ne possèdes pas toutes les variables nécessaires à la compréhension des faits... androïde.

Sans plus s'occuper de l'androïde de sécurité, Billy remplaça le chargeur vide de son arme par celui de rechange qu'il avait toujours sur lui. Il devait réfléchir à une route de sortie. Il ne pouvait pas refaire surface au même endroit. Les civils à la surface avait du entendre les détonations, ou du moins devaient-ils se douter de quelque chose. Ceux qui avaient fait attention avaient vu un humain chuter, suivi d'un Démétien. Si ce dernier ne remontait pas, le rapprochement serait vite fait.

Je rapporterai les faits tels quels, sans prise de position. Maintenant, veuillez me suivre calmement au commissariat.

Cette fois, un rictus mauvais, accompagné d'un ricanement moqueur, furent les premières réactions de Billy. Il était presque surpris que l'androïde ne tente pas de lui passer les menottes sans rien ajouter. Dans la zone 10, les rares flics non-corrompus qu'il avait croisé n'étaient pas aussi à cheval sur la procédure.

Je regrette, mais ça ne va pas être possible. Là maintenant, j'ai envie d'une bonne bière, et d'un peu de compagnie pour la nuit. Deux choses que personne au commissariat ne pourra m'offrir.

Le Boss des Dragons marqua une pause, attendant la réaction de l'androïde. Finalement, il ajouta, tout en amorçant quelques pas en arrière.

Deux choix s'offrent à toi. Un, tu tentes de m'amener de force au commissariat. Deux, tu traces ta route et je trace la mienne. Et je te déconseille fortement l'option un, surtout si tu n'est pas emballée par la perspective de finir en pièce détachées.

Son avertissement était clair comme de l'eau de roche. Aussi Billy continua-il de s'enfoncer dans le tunnel des égouts. Il referait surface deux ou trois bouches plus loin, histoire de ne pas trop éveiller les soupçons.

Kotoha s'arrêta. Se retourna. Et elle mesura les propos de l'homme avec toutes ses connaissances. A vrai dire, si elle n'y connaissait rien en matière de combat ou même du métier de policier, sa cervelle avait été bourrée de toutes ces informations complexes autour du comportement humain et ses réactions. Mais bien sûr, la possibilité qu'il l'attaquât à défaut d'être raisonnable ou qu'il s'enfuisse restait bien élevée.
Son manque d'expérience ne lui avait pas permis d'envisager de le laisser partir. Trop d'événements à justifier. Contraire aux lois. Manquement à son statut.
Elle se mit à calculer les conséquences de cette nouvelle possibilité...

"Deux choix s'offrent à toi. Un, tu tentes de m'amener de force au commissariat. Deux, tu traces ta route et je trace la mienne. Et je te déconseille fortement l'option un, surtout si tu n'est pas emballée par la perspective de finir en pièce détachées."

Elle finit par sourire largement, plaçant ses mains dans le dos. Elle se balançait doucement comme une enfant joueuse. Et elle suivit l'humain sans plus rien dire. Sautillant.
L'androide faisait l'effort de paraître aussi silencieuse que possible, non pas pour se faire oublier mais simplement le faire réagir ; elle n'abonderait pas dans son sens. Après tout... elle n'essayait pas de l'amener de force au commissariat, n'est-ce pas ? Peut-être qu'en le suivant elle aurait accès à de nouvelles informations.

"Dites, vous avez une préférence sexuelle ?" demanda-t-elle d'une voix égale en se portant à sa hauteur.

Dans un premier temps, l'androïde de sécurité n'avait pas réagi. Ne tenant pas spécialement à s'éterniser dans les égouts d'Ishtar, Billy avait fini par tourner les talons, lampe de poche à la main, à la recherche de la prochaine porte de sortie vers l'air pur. Mais très vite, il avait décelé, très discret, le bruit de pas derrière lui. Même pas besoin de jeter un coup d'œil en arrière pour savoir que c'était l'androïde. Elle le suivait, en silence, sans rien tenter. Aussi étrange cela était-ce, le Redfox décida de l'ignorer pour l'instant. Le moment venu, si le robot persistait, il devrait trouver un moyen de le semer. Sans doute était-il plus rapide... Et puis, s'il quittait le relais, l'androïde de sécurité prendrait-elle le risque de quitter à ce point son poste ? En bref, ce n'était pour l'heure pas un problème.

Tirant distraitement sur sa cigarette, orientant le faisceau lumineux devant lui, le Boss des Dragons posa sa main sur son pistolet, l'air de rien. Juste une mesure préventive, un avertissement envers le robot. À la première action un minimum alarmante, il tirait.

Dites, vous avez une préférence sexuelle ?

Billy se figea littéralement sur place, complètement interloqué par la question de l'androïde. Celle-ci s'était placé à sa hauteur, et avait prononcé sa phrase sans aucune intonation particulière. Comme si... elle tentait de faire la conversation. Sauf que dans le cas présent, c'était... gênant, inapproprié, beaucoup trop personnel, et aussi un poil glauque, en considérant que l'androïde avait la corpulence d'une gamine de 7 ans.

Le Redfox ne sut que répondre. Certes, il avait mentionné qu'il cherchait de la compagnie pour la nuit, mais il ne s'attendait pas à ce que le robot rebondisse là-dessus. De plus, il ne pouvait pas jouer à qui mettrait l'autre le plus mal à l'aise, puisqu'il avait à faire à une machine, qui par définition, ne ressentait pas ce type de sentiment. Finalement, après avoir tiré une fois de plus sur sa cigarette, Billy choisit l'option la plus neutre, mais aussi la plus sûre. C'était un androïde policier, il n'était pas à l'abri d'un interrogatoire masqué.

Qu'est-ce que ça peut bien te faire ?